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DU TRAVAIL A LA RECREATION

13-12-2004

Auteur : D.M


A l'énoncé de l'intitulé de cette planche, nous pourrions être tenté d'y voir en cette fin d'année maçonnique un appel à passer de bonnes vacances après une activité chargée, dense, où nous avons rempli notre besace d'éléments utiles pour notre progression.

Ce souhait, je vous l'adresserai tout à l'heure, mais pour l'instant, nous allons à nouveau travailler, puisque telle est notre vocation. Ce soir, c'est la formule prononcée par le F? Sec? Surv? à l'ouverture des travaux qui va retenir toute notre attention. Il est vrai que nous avons peu l'habitude d'analyser cette partie du rituel, et pourtant, à chaque tenue notre F? Sec? Surv?, après avoir observé le soleil au méridien, appelle "les Frères du travail à la récréation et de la récréation au travail afin qu'ils en retirent profit et joie".

Les considérations qui vont suivre seront donc particulièrement dédiées à nos FF? Apprentis, toutefois, elles risquent de surprendre sans doute et c'est voulu car c'est à mon avis la bonne méthode pour susciter des réactions, et rassembler ainsi des points de vue variés qui constituent l'apport de chacun pour une approche de plus en plus complète du sujet.

Une remarque tout d'abord, le F? Sec? Surv? appelle, en premier instance, les FF? Apprentis non à travailler, mais à passer du travail à la récréation. Cela peut paraître curieux en première analyse, mais en examinant un peu la chose on voit qu'effectivement l'Apprenti ne travaille pas en loge, il ne s'y exprime pas, il ne présente pas de planche tracée. Il y sera initié, prêtera son obligation et quand le temps sera venu, il y présentera le fruit de son travail pour une augmentation de salaire, et cela s'arrête là.

Cette constatation entraîne deux questions, où travaillent les Apprentis et que viennent-ils faire en Loge?

L'Apprenti par définition travaille à dégrossir la pierre brute, et où cela pourrait-il se faire si ce n'est dans la carrière, la carrière du jour dont parle le rituel.
Chez nos FF? Opératifs, cette carrière était ouverte au lever du soleil et fermée à son coucher comme le mentionne le manuscrit Dumfries N° 4 par exemple qui date de 1700, mais qui est la compilation de textes antérieurs. Nous trouvons dans ce manuscrit l’échange suivant:

"- Combien y a-t-il de lumières dans votre loge?
- Deux.
- Lesquelles?
- Le soleil qui se lève à l'est et met tous les hommes à l'ouvrage et qui se couche à l'Ouest et ainsi renvoie tous les hommes au lit."

Le Vénérable Maître et le Premier Surveillant vont bien prendre ces places solaires d’Orient et d’Occident, mais vous le savez les heures d'ouverture des travaux en loge seront différentes de celles des maçons opératifs et biens sûr symboliques puisqu’associées aux portes solsticiales des hommes et des dieux. En effet, si le travail de l'Apprenti doit croître avec la lumière, la Loge, elle, est dispensatrice d'une lumière sans ombre et ne peut donc s'ouvrir qu'à midi. Il n'est pas de mon propos, ce jour d'aller, au-delà dans ces considérations.

Plus précisément la carrière est le lieu où ensemble avec le Sec? Surv? les Apprentis vont oeuvrer. Travail avec le maillet et le ciseau, travail sur la verticale, sur soi-même, de connaissance de soi, puis de contrôle de soi que le signe d'ordre pourrait bien, pour une part, résumer, à savoir: "contenir le bouillonnement des passions qui s'agitent dans la poitrine et préserver ainsi la tête de toute exaltation fébrile, susceptible de compromettre notre lucidité d'esprit" et donc "d'être en possession de soi-même et s'attacher à tout juger avec impartialité".

On voit d'ailleurs à ce moment comment le travail dans la profondeur rejaillit vers le haut pour permettre un état de conscience plus ouvert, plus lucide, parce que moins impliqué.

Arrivé à ce stade, laissez-moi mes FF? vous rappelez la façon dont toute acquisition de compétence, tout apprentissage, se déroule.

La première étape est celle où l'on se trouve inconsciemment incompétent. En fait c'est le moment où l'on ne sait pas qu'on ne sait pas.

Prenons un exemple qui m'est personnel dans un domaine tout à fait profane, celui de mes connaissances en matière de qualité de neige.


Pour moi, il y a quelques temps encore, la neige était molle ou dure et glissante ou bien poudreuse, c'était tout et dans mon esprit tout ce qu'il y avait à savoir sur la neige s'arrêtait là. Mon incompétence inconsciente me fut bientôt révélée lorsque j'appris que les Inuits, les Esquimaux, avaient 52 mots différents pour désigner les qualités de neige. Question neige, je n’ai pas vraiment évolué, mais j'ai pris conscience, à cette occasion, de mon ignorance. Je suis donc devenu consciemment incompétent

Cette étape est la seconde de tout apprentissage, elle est l'élément qui permet de cibler un domaine nouveau, ou les nouveaux aspects d'un domaine connu. Pour ce qui concerne l'Apprenti, le domaine est celui de la connaissance de soi. Avec l'aide du F? Sec? Surv?, et en méditant symboles, il va découvrir de nouvelles terres inconnues, en connaître les paysages, les saisons, les mécanismes.

La troisième étape est celle de l'acquisition pas à pas des connaissances sur ce que nous avons découvert, des essais, des échecs et des réussites. Afin de concrétiser cette étape par une expérience profane, rappelons-nous comment nous avons appris à faire du vélo, comment chaque coup de pédale était calculé, contrôlé, avec quelquefois des chutes. Chaque effort était dosé, nous nous concentrions sur chaque geste, nous surveillions notre équilibre, tout cela en même temps. C'était l'étape de la compétence consciente, certes nous roulions, mais à quel prix, le manque d'automatisme, de réflexe, de fluidité était la règle. Cette troisième étape fait de nous des êtres consciemment compétents.

Pour l'Apprenti Franc-Maçon, cette étape sera celle, par exemple, du contrôle des passions, du silence et de l'écoute, il pourra face aux problèmes quotidiens chercher pour lui comment éviter les perturbations intérieures, comment garder la tête froide, sa "lucidité d'esprit". Cette étape de compétence consciente est longue, délicate, quelquefois douloureuse et nécessite bien des efforts.

Enfin vient la quatrième et dernière étape, celle de l'intégration définitive, celle de la compétence inconsciente. Les automatismes sont acquis, tout se fait désormais sans effort et sans concentration particulière.

C'est le moment où nous pouvons pédaler en parlant avec nos amis, sans penser à notre équilibre, sans penser à ce que font nos jambes, le processus est acquis, intégré, il fait partie de nous-mêmes; grâce à l'apprentissage nous nous sommes transformés.

Pour nous Apprentis, ce seront, par exemple, des actions sur des points particuliers que nous voulions rectifier parce qu'étant limitants, une idée à bannir, une conviction à remettre en cause, un émotionnel trop fort à reconsidérer dans certaines situations, une tendance à ne pas travailler, etc… Le domaine est vaste pour chacun de nous, et nous savons que toute notre vie il y aura à faire sur ce chantier.

C'est pour cela qu'il est dit que nous sommes toujours en état d'apprentissage.

Qui plus est, ces modifications internes vont servir de base pour continuer le travail, et c'est ainsi qu'à l'image du mur, les briques que représentent chacune de nos acquisitions vont s'assembler les unes sur les autres pour aboutir ainsi à une construction harmonieuse, solide et ordonnée. On le voit ainsi le travail d'apprentissage est entièrement itératif.

Pourquoi vous avoir asséné ce pensum vous demanderez-vous? Tout simplement pour que chacun sache où il en est dans la réalisation des objectifs qu'il s'est fixé. Le travail est vous le savez éminemment personnel et nous avons besoin de points de repères, vous les avez désormais. En tout état de cause, toute la démarche réclamera de la vigilance, de la persévérance. N'oubliez jamais ces mots et mettez les en pratique.

Tel est le travail. Or, dans le monde profane, on ne saurait travailler en continu, il faut des temps de repos. Il en est de même du travail initiatique, où nous avons à faire croître ce que nous avons reçu. Ce temps particulier, pour les Apprentis Francs-Maçons, s'appelle la récréation et alors que le travail se déroulait dans la carrière, celle-ci se passe en Loge d'Apprenti.

C'est bien pour cela, que le F? Sec? Surv? vous appelle, mes FF? à la récréation lors de l'ouverture des travaux.

Entendons-nous bien, cette récréation, mais je suis sur que vous l'avez noté, n'est pas celle qui se déroule dans la cour de nos écoles communales. Et il n'y est ni question de jeu, ni de divertissement au sens pascalien du terme.

Tout ici est réglé et ordonné dans un espace sacré dans un temps sacré.

Repos donc pour l'Apprenti, certes muet sur la colonne sombre du septentrion et pas de récréation débridée. Le mot nécessite en fait une explication et écoutons donc ce qu'en disait notre F? Littré au siècle dernier: "les récréations sont des intervalles pour des gens fatigués qui ont besoin de se refaire, et qui doivent bientôt se remettre à l'oeuvre".


La récréation ainsi considérée est donc un temps de ressourcement et une édition précédente de notre rituel, mais peut-être s'agissait-il d'une simple coquille, faisait appeler les FF? du "travail à la recréation".

Donc mes FF? dans cette Loge, vous allez, avec les travaux que vous écouterez, et tout à l'écoute de vous-mêmes aussi, vous allez revivre les éléments de votre initiation, vous allez vous régénérer, et faire croître dans l'invisible ce que vous avez reçu. Refaire des forces, régénérer, revivre et intégrer les fruits du travail, voilà ce que vous propose cette récréation.

Mais plus précisément encore, le lieu sombre où vous vous trouvez est celui de la gestation, celle de l'être intérieur qui d'une part avec votre travail de rectification, d'autre part avec les énergies mises en oeuvre dans la Loge va se développer. Et c'est en fait toute la finalité du travail d'Apprenti qui consiste à dégager notre pierre cachée, c'est -à-dire notre être véritable.

Vous voyez, mes FF?, comment votre effort et les énergies initiatiques présentes dans l'atelier convergent pour faire que votre travail soit efficient. C'est pourquoi, il est indispensable que les FF? soient présents aux tenues, et vous comprenez maintenant qu'il ne s'agit pas là d'une simple leçon de morale ou de respect des engagements, mais parce que sinon le système ne fonctionne pas où alors il se résume à une simple démarche de type analytique ou d'introspection et en aucun cas d'une démarche initiatique destinée à faire naître ce que d'aucuns ont appelé l'homme nouveau.

Ce développement intérieur d'une force, d'un être qui est au-delà du moi, ce cheminement vers notre être réel, celui dont nous avons la nostalgie et qui nous a vraisemblablement poussé à frapper à la porte du Temple, celui qui nous fait dire que nous sommes autres que ce que nous sommes socialement, l'Etre essentiel au-delà du personnage, ce perfectionnement se manifeste par la joie et là est selon moi la véritable signature du travail et de la récréation.

C'est pour cela qu'à l'ouverture le F? Sec? Surv? espère que vous tirerez des travaux, profit et joie, qu'à la fin il souhaite que la "Joie soit dans les coeurs", Joie aussi dans laquelle votre Vénérable souhaite voir continuer à travailler les Apprentis.

En effet, la joie est un rayonnement correspondant à un moment d'harmonie intérieure. C'est un épanouissement qui entraîne une absence de crainte et le sentiment d'avoir trouvé son assise, sa place, en réponse à la demande maintes fois réitérée en Loge.


Elle est un état qui est à la fois comme une récompense et une validation sur la voie tracée. Elle incite à poursuivre le travail.

Qui plus est, elle se communique, elle est donc aussi ce que nous devons porter hors du Temple. Par le fait qu'elle inhibe toute crainte, elle nous pousse vers l'autre, elle nous pousse au partage et à la fraternité.

Tout ce que je viens de dire mes FF?? en nommant nos FF? Apprentis s'adresse en fait à tous car qui d'entre nous peut dire que le travail d'apprentissage est terminé.

En effet, en permanence, nous avons à nous éprouver sur trois plans:

- ce que nous sommes au dehors,
- ce que nous sommes au plus profond de nous-mêmes,
- et ce qui nous empêche d'être au dehors ce que nous sommes au fond.

Alors, mes FF?, nous allons entrer dans une période de congés, et nous pensons que nous allons pouvoir poser nos valises maçonniques pour prendre la Delsey en plastique injecté qui nous accompagnera en villégiature.

La maçonnerie, ce n'est pas des bagages, ce n'est pas du temps, ce n'est pas de l'espace, c'est de la fibre, c'est de l'être, c'est du regard, c'est de la compréhension, c'est un état de conscience; il n'y a pas de valise maçonnique que l'on puisse poser ! Ce que nous sommes est en nous, ici et maintenant et d'une façon permanente. St-Jean Baptiste que je citais le 21 Juin dernier, disait "il y a au milieu de vous quelqu'un que vous ne connaissez pas".

La maçonnerie c'est justement d'aller à sa recherche. Il sera avec nous en vacances. Alors bonnes vacances à tous!


J'AI DIT