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Les confessions d'un franc-maçon

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Auteur : Charles Bernholc


Charles Bernholc est Franc-maçon depuis 50 ans. Grand résistant, co-fondateur de la Fédération Française de karaté, il témoigne aujourd'hui de son parcours dans un ouvrage pertinant et émouvant. Il nous parle ici de son choix. Car pour lui, bien plus qu'une école de pensée, la franc-maçonnerie est une voie, un chemin dont il parle avec une rare sincérité et profondeur.
Maçon ! Pourquoi ?
Voici cinquante ans que je suis Maçon.
Au début, j'étais émerveillé par le savoir des Frères qui prenaient la parole en loge. Mon coeur battait à grands coups, ma gorge se serrait quand le Vénérable m'interrogeait et que je devais parler devant un auditoire attentif auquel je ne pouvais rien en apprendre.
C'était à chaque fois une épreuve, un examen, où je m'efforçais de briller. Quand on me donnait un travail à faire, je me livrais à une compilation forcenée de tous les dictionnaires, de tous les ouvrages techniques que je pouvais trouver. Je mettais bout à bout les chapitres qui m'avaient frappé et je délayais à la fin une conclusion à références maçonniques.
Ce travail ne devait pas être passionnant pour les F.F. qui m'écoutaient. II avait quand même le mérite de m'apprendre quelque chose. Et puis la fréquentation assidue des Temples en général, de ma loge en particulier, m'a fait mieux apprécier mes F.F.
J'ai découvert leur chaleur humaine, leur vérité individuelle. Je n'admirais plus autant leur éloquence, mais je comprenais mieux ce qu'ils disaient.

Je cherchais moins à briller, mais plus à communiquer.

Quand j'ai maintenant un travail à faire, je rassemble toujours toute la documentation possible.

J'écris mon travail et je le recommence quatre ou cinq fois en éliminant à chaque fois le superflu, jusqu'à ce que le texte n'exprime plus que ce que moi, j'ai retenu, assimilé, accepté de mes documents et jusqu'à ce que ce travail traduise ce que je pense véritablement.
Herriot disait : " la culture c'est ce qui reste quand on a tout oublié ", le morceau d'Architecture c'est un peu ça.
Quand je suis entré en Maçonnerie, j'étais orgueilleux de mes supposées qualités, mais pas très sûr de la valeur et de la solidité de mes idées. Et puis, de mieux connaître mes F.F. de les estimer, de les apprécier, m'a rendu beaucoup plus perspicace quant à mes propres qualités, beaucoup plus humble.
Par contre, mes idées prenaient corps, se forgeaient, s'imposaient à mon esprit.
Elles me semblaient plus proches de la vérité et à ce titre je me trouvais entraîné à les exprimer.
Je me rends bien compte que cette évolution n'a pu se réaliser qu'en Atelier, grâce au rituel, grâce à l'utilisation des symboles pour communiquer, grâce à notre méthode de travail.
Encore au bout de cinquante ans, j'écoute avec profit la lecture du rituel. J'y découvre chaque fois des résonances nouvelles.

J'ai remarqué que les civilisations qui étaient les plus évoluées sont celles qui se servaient de symboles comme écriture.
Que ce soient les MAYAS, les INCAS, les EGYPTIENS avec leurs hiéroglyphes ou les CHINOIS avec leurs idéogrammes.
Il semblerait que ces symbôles, pour figurer les choses ou les mots, permettent une résonance bien plus profonde propre à émouvoir la sensibilité du lecteur.
Nos symboles Maçonniques ont le même pouvoir. Chacun peut les interpréter à sa façon, mais ce sera toujours dans le contexte initiatique.
Un Professeur de Judo m'avait un jour expliqué qu'il fallait toujours saluer très bas le Professeur, le maître qui enseignait cette discipline. Même s'il était mauvais enseignant, même s'il était notoirement mauvais maître. En effet malgré lui, il pouvait transmettre un enseignement auquel lui-même était demeuré imperméable.
Il en est de même en Maçonnerie.
Les Officiers, chacun à son plateau, interprètent un merveilleux psychodrame dont inconsciemment nous ressentons les effets bénéfiques. C'est une discipline constante, mais librement acceptée qui a pour résultat une plus grande maîtrise de nous-mêmes.
Les religions certes utilisent aussi un rituel élaboré pour mettre les fidèles en condition. Mais les religions empêchent l'individu de s'épanouir. Dès le départ, elles lui imposent un dogme, une vérité révélée, un domaine réservé indiscutable et donc une entrave à la liberté d'investigation spirituelle.
La Maçonnerie ne donne même pas de directives, n'impose aucun mot d'ordre. On l'a bien vu, pendant la guerre, la Maçonnerie n'a pas eu besoin de prôner tel ou tel mouvement de Résistance.
Par contre, à la Libération, on s'est aperçu qu'à la tête de la plupart des mouvements de Résistance, se trouvaient des Francs-Maçons.
La Maçonnerie n'a qu'un but, faire des Francs-Maçons. C'est-à-dire faire des hommes fiers de leur condition d'individus, maîtres de leurs passions, sachant mépriser l'erreur et le faux-semblant.

Lorsque ces hommes sont confrontés avec les circonstances, tout naturellement ils réagissent sainement et, payant d'exemple, ils s'imposent par leur sagesse et leur efficacité.

La Maçonnerie n'est ni une religion ni une école du soir. La Maçonnerie ne s'adresse ni à notre intelligence ni à notre mémoire. Elle ne s'adresse qu'à notre coeur. Elle ne cherche qu'à briser cette carapace qui empêche notre coeur de s'ouvrir et qui est faite de tout notre acquis.

En Maçonnerie, selon le précepte de Socrate, on apprend à se connaître soi-même.
Cela veut dire, que sachant que nous sommes conditionnés par nos ancêtres qui à travers les gènes et les chromosomes nous ont transmis leurs qualités, mais aussi leurs défauts, et leur façon de penser dont nous sommes esclaves, que nous sommes également conditionnés par notre éducation, notre entourage, nos lectures et les mass-médias, il importe alors que nous sachions saisir le "réel" .
Et seule, la méditation nous permet d'y arriver. Non pas la méditation sous un arbre ou en s'arrêtant de penser ou de respirer comme peuvent le préconiser certains gourous, mais tout simplement en ayant tous nos sens éveillés et en cherchant sincèrement à savoir à quels mobiles profonds obéissent nos réactions, toutes nos réactions.
Faites-le, et vous serez étonnés de voir combien d'entre nous sacrifient aux idées toutes faites et aux lieux communs.
Il faut savoir regarder et écouter sans juger à priori. Il faut savoir se méfier de sa pensée, qui n'est que l'accumulation dans la mémoire des expériences passées.
II faut savoir reconnaître ce qui n’est que la projection de notre pensée. Il faut savoir être neuf et avoir un esprit frais. Pour cela, comme on nous l'apprend dès notre entrée en Maçonnerie, il faut savoir mourir à notre passé, à tout notre passé, à toute accumulation de la mémoire, pour renaître au réel toujours mouvant, toujours renouvelé. Et si nous arrivons à nous débarrasser de tout notre conditionnement, de tout notre passé, de tout notre "acquis", alors nous retrouverons la "parole perdue" , qui n'est autre que la réalité intrinsèque.
En Maçonnerie on côtoie toutes les couches sociales, toutes les races, toutes les religions. Les Frères qui m'ont le plus impressionné ne sont pas les érudits distingués, couverts de diplômes, de charges et d'Honneur. Bien que je les respecte et n'aie à leur rencontre aucune prévention particulière.
Ceux pourtant qui m'ont vraiment toujours le plus impressionné, sont les hommes simples, bien souvent d'extraction modeste, mais que l'on sent totalement conscients de leur plénitude humaine et fraternelle. Sans complexe, sans bassesse, sans orgueil, mais aussi sans humilité. Solides, forts, droits et pleins d'amour pour leurs semblables. Ce sont eux que je considère comme de vrais initiés.
Et ceux-là sont les plus nombreux dans nos Ateliers.
En Maçonnerie, le racisme et l'antisémitisme n'existent pas. En complet accord avec les récentes découvertes de l'anthropologie moderne, nous savons que nous venons d'une seule et même population composée de quelques centaines de milliers de personnes qui vivaient, il y a cent mille ans environ quelque part entre l'Afrique et le Proche-Orient.
Les enseignements de la génétique ne sont plus discutables : la classification raciale est définitivement impossible. On relève parfois plus de différences entre deux individus d'une même population, qu'entre deux personnes de populations différentes. Tout le monde sait que la "race juive" n'a pas plus de sens que la "race française". Le judaïsme est une religion et une culture ; l'identité française est une nationalité.
La politique, en Maçonnerie, n'a pas droit de cité.
Non pas que la Maçonnerie critique la politique en elle-même, qui est l'Art de gouverner un Etat. Mais l'exercice de la politique est le résultat soit d'un choix délibéré, soit d'une obligation dictée par la situation, l'environnement, le conditionnement personnel ou le légitime désir de faire régner plus de justice sociale. A moins que ce ne soit celui condamnable de défendre des privilèges. Pour faire triompher ses idées, la politique doit obligatoirement prôner la raison d'état et sacrifier les moyens à la fin recherchée. Ceci est contraire à l'idéal maçonnique. La vérité est une et indivisible et ne saurait se plier aux contingences.
Il n'en demeure pas moins que bien souvent les meilleurs parmi les hommes politiques ont justement été des Francs-Maçons.
Leur fanatisme politique était tempéré par leur humanisme Maçonnique.
Il n'empêche aussi que c'est dans nos Temples que se sont élaborés de nombreuses lois à caractère humanitaire.
Par exemple les lois pour supprimer l'esclavage, pour instaurer la Sécurité Sociale, le Planning Familial, l'émancipation de la femme et tant d'autres.
C'est dans nos Temples que se sont propagées au 18ème siècle, grâce notamment aux Encyclopédistes, les idées de liberté qui amenèrent la Révolution en France et dont les peuples d'Europe et d'Amérique s'inspirèrent pour secouer leurs propres chaînes.
C'est dans nos Temples que notre F. La Fayette trouva les raisons et la force qui lui permirent de voler au secours de notre F. Washington après avoir surmonté tous les obstacles accumulés par les Ministres de Louis XVI contre ce projet.
Il fut un temps, au moment de la séparation de l'Eglise et de l' Etat, où l'opposition entre la Maçonnerie et le Clergé était très virulente. Depuis, les esprits se sont calmés et si nous n'acceptons toujours pas le dogme religieux, par contre, nous nous refusons d'être des athées stupides et des libertins irréligieux.
Nous voulons considérer tous les problèmes sous l'angle cartésien, mais ne refusons pas d'explorer les arcanes de la métaphysique.
Nous nous interdisons simplement de parler de l'inconnu en termes de connu, sinon ce ne serait plus l'inconnu.
Certes, nous avons des croyants dans nos rangs, mais ces croyants acceptent de tout remettre en question, de discuter de tout, sans considérer qu'il y a là un domaine exclusivement, passivement réservé à leur Eglise.
Nous sommes, en général, des agnostiques. Nous considérons tout ce que notre entendement peut concevoir ; nous ne nions pas qu'il puisse exister au-delà de ce qui nous est perceptible des forces susceptibles d'influencer le cosmos, notre univers et notre psychisme.
C'est ce que nous désignons sous le vocable du Grand Architecte de l'Univers, qui peut également représenter le DIEU des croyants.